Le bureau de Kai Alvise

Deux heures. Cela faisait maintenant deux heures que Kai essayait de comprendre cette grande toile qu’était l’affaire Hitomi. Assis devant son bureau, les feuilles étalées sur la quasi-totalité du meuble, il tentait d’y voir un peu plus clair. Il repoussa légèrement sa chaise, et se permit de laisser échapper un long soupir. Tendant la main sur son pupitre, il saisit une clochette et la fit sonner négligemment durant quelques secondes. Rien de tels que de se sustenter quand on n’entrevoit pas une solution. Et ce précepte fondamental que son père lui avait enseigné, Kai se faisait un devoir de l’exécuter à la lettre. Une femme finie pas faire son entrée, non sans avoir au préalable frappé timidement à la porte. Une fois qu’elle se fut avancée, elle dit tout en s’inclinant le plus bas possible :

- Que désire monseigneur le conseiller ?

- Il me faudrait des petits gâteaux, hum … je pense que pour cette fois, des macarons et des pains aux raisins feront l’affaire. Demandez au chef cuisinier de veillez à m’amener les plus croustillants, il comprendra… HA, et n’oubliez pas de m’apporter aussi une bouteille de saké. Ou du vin blanc … Du jus de fruit peut être … et puis zut, mettez ce qui ira le mieux avec les friandises. Voyez aussi ça avec le chef cuisinier.
Puis après quelques instants de réflexions, il ajouta.
- Mais, il semblerait que vous soyez nouvelle ? Ne soyez pas si timide … j’aimerais tellement mieux vous connaître. J’espère que vous ne faites rien de particulier cette nuit …

Et il l’a renvoya d’un geste. Un long soupir plus tard, il commença à trier les informations à sa disposition. Avec un peu de chance, il entreverrait un fil conducteur, et pourrait enfin penser à autre chose. Comme à cette jeune fille par exemple.
Encore plus mécontent que tout à l’heure sur le compte de Kitsune, il reprit son travail.

* Bon. Il semblerait qu’au premier abord, cet homme soit coupable. Je peux avancer qu’il à été pris à la frontière avec des documents compromettant, et qu’il y ces nouveaux documents prouvant sa culpabilité. De plus, on à deux témoins l’ayant vu en compagnie d’un traître notoire. Mais en fouillant un peu, on peut se poser quelques questions. Par exemple, les documents que l’on a retrouvés à postériori ne semblent pas être véridiques, par le simple fait que le papier utilisé est celui de l’armée. Ensuite, il n’a pas arrêté de proclamer son innocence, et même sous la torture. Mais en continuant sur cette voie, on remarque beaucoup d’incohérences, pourquoi faire un leurre aussi grossier pour accuser un homme, en laissant des preuves aussi évidentes de falsifications... Il aurait juste fallu à l’armée d’acheter de quoi rendre ces preuves plus crédibles. Et puis, le fait assez surprenant que l’homme n’ait justement jamais avoué. J’ai tendance à croire qu’il aurait été entrainé à la torture …*

Kai se mit à gribouiller son raisonnement sur une feuille, et le rajouta au dossier. Finalement, il allait perdre bien plus qu’une simple demi-journée avec ce procès. Il fallait vraiment qu’il trouve un détail lui permettant de trancher entre coupable ou innocent. Et vu la tournure des événements, l’homme n’avait pas vraiment du temps à donner, tant le crime était grave.

* Pitié ho grand Empereur ! Envoie moi un signe, montre moi la voie !*

Pourquoi ? Oui, la question était bien pourquoi : Que faisait une domestique en charge du nettoyage dans les bureaux du personnel de l'Assemblée ? La réponse était à la fois simple et évident, et il n'existait qu'une seule cause, sa faiblesse. Car en effet, Aoi, simple petite femme de ménage au Palais Impérial, avait dut se résoudre à obéir à son supérieur en allant nettoyer à la cave, alors qu'elle avait très peur d'y aller. Et comme si cela ne suffisait pas, un homme, chargé du courrier, lui avait demandé de transmettre des documents importants à un juge. Un simple non aurait suffit, mais la jeune fille ne pouvait refuser. Elle était comme ça, trop naïve, pensant rendre service, alors que dans le fond, elle se doutait bien qu'elle ne servait que de potiche. Et à présent, la voici en dehors du palais, dans un quartier où elle ne mettait pratiquement jamais les pieds, tout en essayant de s'y retrouver. L'Assemblée, ça oui, elle ne pouvait pas la louper, mais le bureau du juge en question ? Sur l'enveloppe, il y avait marqué "Kai Alvise". N'ayant jamais quitté son lieu de travail, puisqu'elle y vivait, Aoi ne connaissait personne de ce nom, et ça ne l'aidait pas. De plus, lorsqu'elle tentait de retrouver son chemin en demandant aux autres domestiques, elle se prenait un vent ou bien ceux-ci lui indiquaient la mauvaise direction.

Eh oui, la jeune fille ne savait plus quoi faire. Elle avait l'impression de se faire marcher dessus, et ça n'était pas qu'un sentiment, depuis dix-neuf ans c'était ainsi. Serrant les dossiers contre sa poitrine, la domestique se dirigea à travers les couloirs, avant de se cogner contre quelqu'un, ce qui la fit tomber au sol :

- Mais tu peux pas regarder devant toi ?

La fille qu'elle avait percutée n'avait pas l'air contente, celle-ci tenant un chariot avec des gâteaux et des boissons. Peut-être devait-elle livrer ? Et dire qu'Aoi l'avait gênée :

- Je... Je suis désolée...

L'autre demoiselle fronça les sourcils tout en regardant Aoi, la jaugeant du regard avant de pousser le chariot vers elle :

- Rendez-vous utile pour vous faire pardonner ! Amenez ça à Alvise-sama.

- Mais je...

Avant même que la jeune fille ne puisse se justifier ou dire qu'elle ne travaillait même pas ici, ou même, qu'elle ne savait pas où se trouvait ce juge, son interlocutrice avait déjà disparue, la laissant seule avec le chariot. Pendant qu'elle tenait toujours ses documents, l'une de ses mains libre prit le petit barreau pour avancer avec. Tout en vadrouillant par-ci par-là dans les couloirs, Aoi prit encore dix bonnes minutes avant d'arriver devant la porte du bureau de ce fameux Kai Alvise. Prenant son courage à deux mains, la frêle domestique tapa doucement du bout de ses doigts sur le bois pour prévenir de sa présence :

- Alvise-sama ?

La jeune fille ouvrit doucement la porte pour entrer, poussant le chariot. Sans doute le juge s'interrogerait-il de la présence de cette nouvelle, elle ne savait pas trop. Mais à présent, elle ne pouvait plus reculer, et serra les documents, qu'elle devait lui remettre, contre sa poitrine.

A peine avait-il finit d’énoncer sa prière, que la porte s’ouvrit en laissant entrer une jeune fille. De taille moyenne, elle avait de longs cheveux sombres qui lui tombaient allégrement sur les épaules. Elle semblait si fragile, et elle lui apportait un chariot. Avec les petites gâteries qu’il avait fait mander. Et pourtant, ce n’était pas la même domestique qui lui apportait ses friandises, mais une jeune fille plus timide encore.

* Mais bordel, c’est quoi ce signe que tu m’envoies !! T’aurais pas pu me faire parvenir un papier avec la réponse en calligramme ?! Pourquoi il faut toujours que tu compliques tout satané Empereur !? Je vais t’en donner de la facilité moi !! Attends que je comprenne ce que tu as voulu me dire …*

Ce dialogue muet, se jouant dans la tête du conseiller, ne fut visible au monde que par les quelques rides apparues sur son front, et le plissement discret de la commissure droite des ses lèvres. Finalement, il se leva et repoussa sa chaise. Quittant enfin son regard de la jeune fille, il contempla les papiers éparpillés sur son bureau et les remis en ordre comme il le put, en ménageant un coin vierge pour ces si appétissants gâteaux, dont l’odeur aiguisait déjà ses papilles.
Dans un murmure, il tenta de détruire une fois pour toute son appréhension :

-J’espère que vous n’êtes pas une apparition divine, sinon, tout cela finira mal.

Il faut dire qu’à force de la regarder, il ne pouvait s’empêcher de trouver cette beauté surnaturelle, et cette timidité feinte. Etait-ce une épreuve, envoyée par son dieu ? Mais alors, il venait tout juste de blasphémer !! Et puis zut, autant faire comme si de rien n’était … et voir quoi faire par la suite.

- Bonjour cher enfant. Je vois que vous m’apportez de quoi me sustenter ! Amenez le chariot jusque là, que je puisse en profiter pleinement. Mais ca alors, on dirait que le chef cuisinier m’a envoyé du cidre ! Il m’étonnera toujours, le vieux bougre !

Kai se rassit négligemment, mais sans perdre de vue la servante. Il n’avait, d’ailleurs, jamais quitté la jeune femme des yeux durant son petit discours. Discours inhabituel pour lui, et qui lui avait demandé des efforts. Il faut dire que le conseiller n’avais jamais été très fort en banalité. Il essaya de se replonger dans ses réflexions, de retrouver ses problèmes, liés à l’affaire en cours, si futile maintenant. Et pourtant, il ne put faire autre chose que songer aux grands yeux marron de la jeune fille. Il sentait sa présence, non loin de lui.

- Déposez tout içi, près de l’encrier.

Apres un geste vague au niveau de son bureau, il releva la tête, comme par défi pour cette créature qui venait troubler sa tranquillité jusqu’à ses appartements :

-Mais dites moi, ne seriez vous pas nouvelle ? JE ne vous ais jamais aperçu par ici... Nous qui nous plaignions de ne pas avoir assez de serviteur, voila que je rencontre deux nouvelles et charmantes domestiques dans la même journée !

Le ton, qui se voulait plaisant, n’avait rien pour calmer Kai, qui ne pouvait s’empêcher de réfléchir à toute vitesse sur le pourquoi et le comment de la chose.

Etrangement, à peine Aoi était-elle entrée dans le bureau de l'homme qu'elle cherchait, elle ne put s'empêcher de ressentir une gêne supplémentaire. Après tout, elle n'était qu'une simple domestique, pourquoi avoir juste frappé à la porte ? Elle aurait dû s'incliner de manière plus convenable. Et de plus, en jugeant le juge du regard, la jeune femme eu l'impression de voir les traits de son visage se déformer, comme s'il était vexé ou sur les nerfs, ce qui accentua un peu plus la peur et la gêne de la petite servante. Les dossiers toujours contre sa poitrine, ses yeux se brouillèrent un peu et ses joues rosirent de honte :

- P... Pardonnez-moi !

Aoi s'inclina alors brutalement. Mal lui en prit puisque son front percuta la barre du chariot de gâteau. Son crâne meurti, la jeune fille se le fronta activement, la larme à l'oeil. Décidément, elle ratait vraiment tout ce qu'elle entreprenait, et c'était comme ça depuis déjà dix-neuf ans. Tout en poussant un peu le plateau, tout de même, pour obéir à Kai Alvise, la domestique fut surprise par la question :

- N.. Non, enfin, je ne pense pas.

La petite se sentait de trop. Après tout, ça n'était pas son travail que d'obéir à cet homme, du moins, elle ne travaillait pas pour lui. Cependant, plus que son envie de rendre service, sa naïveté prenait beaucoup le dessus, et maintenant qu'elle était ici, elle se devait de le servir, du moins tant qu'elle ne lui aurait pas remis ces fameux documents. Prenant les quelques assiettes contenant les pâtisseries, Aoi les plaça une à une sur les quelques places libres du bureau de Kai Alvise, en dehors du désordre. Non, il ne fallait pas qu'elle se laisser aller, cet endroit n'était pas de son ressort, elle n'avait pas à le nettoyer. Car oui, si la jeune fille était assez effacée, elle pouvait se transformer en véritable maniaque à la vue du moindre désordre, astiquant et rangeant tout ce qui tombait sous la main jusqu'à ce que la pièce soit la plus propre possible. Mais ce bureau n'était pas celui de son supérieur, et il n'avait pas à lui demander de le faire. A noter que s'il l'avait fait, elle lui aurait obéit bien entendue. Mais passons.

La bouteille enfin mise en place, Aoi fut très gênée par les propos de Kai. Oui, la flatterie et elle, cela faisait deux, du moins dans le sens où elle rougissait trop souvent lorsqu'on lui faisait un compliment comme il l'avait fait. Sans doute faisait-il plus référence à son autre nouvelle domestique, ce qui servit d'argument à la jeune fille pour garder son calme. Souriant faiblement, elle répondit alors :

- En... En vérité, je ne travaille pas ici... Je suis domestique au Palais Impérial, et on m'a chargé de vous remettre des documents, pour je ne sais trop quoi...

Brusquement, peut-être par timidité, la petite servante tendit le dossier vers le juge, les yeux fermés, comme s'il allait faire quelque chose de mal. La vérité, c'était plutôt qu'elle s'en voulait d'être un piètre facteur, mais après tout, c'était logique, puisque ça n'était absoluement pas son boulot. Les quelques mèches de cheveux échappant à ses deux couettes se répendirent doucement sur son visage, comme pour la cacher encore plus.

Kai regarda Aoi, puis le dossier qu’elle tenait dans les mains. On ne pouvait voir qu’une enveloppe de papier assez épais, mais on devinait qu’il y avait peu de documents à l’intérieur. Et cela venait du palais impérial. Intéressant. Kai prit le temps de souffler un instant, puis il avança la main pour saisir le document. Quand il la toucha, il sut que c’était ce qu’il attendait. Un moyen de sauver l’empire, et de ramener la gloire sur la famille impériale. Très intéressant. Il prit l’enveloppe des mains de la servante et la posa devant lui. On pouvait voir son nom écrit en grand caractère sur le papier, et personne ne semblait l’avoir ouvert avant lui.

- J’imagine, que personne ne l’a ouvert en votre présence …

Et, prenant une coupe papier d’argent sur son bureau, il ouvrit l’enveloppe. Puis, il en sortit trois feuilles d’un papier brun, recouverte d’une écriture sans fioriture. Sur la première et la deuxième feuille s’étalait des faits venant étayer une affaire d’homicide. Or, cette affaire venait d’être résolue il y a presque un mois. Mais sur la dernière page, un charabia protocolo-juridique se dressait sur la premier tiers de la feuille, avec tout en bas une petite et discrète signature. La vision de cette feuille fit naitre un sourire sur le visage de Kai, mais qui partit assez vite. Trop fatiguant.

* Alors il y aurait donc vraiment un groupuscule terroriste dans l’Eternal Spiral … Le temps de décrypter ce message, et je pourrais voir la situation sous un angle différent.*

- Merci beaucoup de vous être déplacée pour m’apporter ce colis, surtout si vous travaillez au palais impérial. Mais, j’aurais une demande à vous faire. J’aimerais que cela reste entre nous. Aujourd’hui, vous n’êtes jamais venu dans ce bâtiment, et encore moins dans mon bureau. Je suis prêt à payer le prix de ce silence. N’importe quel prix…

Il tenta de se redresser sur sa chaise, mais n’y arriva pas, et resta dans sa position première. Finalement, il préféra se servir un verre de cidre, dont il admira la couleur ambrée. Mais avant de n’en boire ne serait-ce une gorgée, il prit un macaron et le goba d’un seul coup. Les privilèges de la noblesse, toujours faire ce que l’on a envie de faire. Et ce précepte convenait parfaitement au conseiller, surtout quand il s’agissait de ne rien faire de la journée.
Puis, il reprit le dossier de Kitsune, et rédigea un petit mot à l’adresse de cette dernière.

Pas la peine de se fatiguer avec un appel, cet homme est coupable, et il peut même se révéler par la suite que le mobile d’inculpation soit bien faible par rapport à la vérité. Hitomi serait, d’après moi, l’instigateur d’un réseau d’espion d’Eternal Spiral.
Conseiller Alvise


- Connaissez vous ces vers jeune demoiselle ?

La vérité ne peut être dévoilée aux humains,
Car les Dieux, garant de sagesse et de connaissance
Voient en nous, leur disciple, une grande nuisance.
Ainsi donc, l’homme se doit de ne savoir rien …

Ils sont de Takkeo Imatsue, un grand penseur, qui vécut sous le règne d’un grand empereur.


Kai se perdait dans ses pensée. Cela arrivait de plus en plus fréquemment depuis quelques temps, et depuis peu, beaucoup de gens ne l'appelaient plus que par ce surnom de "marmotte". Mais pour le moment, ce n'était pas sa préoccupation première. Mais j'aurais bien du mal à vous dire qu'elle était sa préoccupation principale. Il faudrait pour ça qu'il arrête de pensée à plusieurs choses à la fois !

Kai ayant pris les dossiers, Aoi se recula brusquement, restant dans le fond de la pièce, presque dos au mur sans pour autant le toucher. Ses mains croisées devant elle, la jeune fille ne savait pas tellement où poser son regard. Elle n'avait rien à faire ici, et ne savait pas comment réagir maintenant qu'elle lui avait remis ces documents. Devait-elle partir ou avait-il besoin de quelque chose d'autre ? Mais en même temps, puisqu'elle avait rempli sa mission, elle n'avait pas tellement à lui obéir, cependant, elle était beaucoup trop intimidée pour refuser une demande ou quelque chose dans ce genre. De plus, lorsque celui-ci énonça une supposition, la petite domestique eut un sursaut avant de chercher ses mots pour répondre, et surtout, en farfouillant dans ses souvenirs :

- Non... On me l'a juste remise et je l'ai toujours gardée contre moi.

Aoi restait très crispée tout en observant le juge non loin d'elle, son regard perdu lorsqu'il commença la lecture des feuilles de papiers entre ses mains. Piquée par la curiosité, mais en même temps bridée par la peur d'avoir des ennuis, la servante resta en retrait, ayant juste noté la présence d'un sourire sur les lèvres de Kai Alvise, qui disparu bien vite. Que devait-elle donc penser ? Non, en vérité, elle n'avait pas à y réfléchir, cela ne la concernait pas. Cela devait être en rapport avec un condamné ou autre chose, puisqu'il était du juridique. S'attendant à une quelconque question qui ne vint pas, la jeune fille s'apprêta à ouvrir la bouche pour demander si elle pouvait partir, lorsque l'homme face à elle la remercia avant de lui demander... Une faveur ? A elle ? La domestique qui n'apportait jamais rien ? Celle-ci fut très surprise, mais écouta attentivement le juge, avant de comprendre à moitié ce qu'il voulait :

- D'a... D'accord... Je ne suis jamais venue ici, je ne vous ai jamais parlé...

Elle ne demandait rien en échange. Quelle naïveté, ou bien quelle imbécile surtout ! N'importe qui aurait pu réclamer de l'argent ou un service en échange de cette faveur, ce qui aurait été facile, vu le rang de son interlocuteur. Pourtant, elle n'en faisait rien, et de toute façon, elle avait beaucoup trop peur qu'il ne lui fasse du mal si elle allait faire le contraire de ce qu'il lui demandait. Le juge s'étant assis, celui-ci s'était mis à écrire, et Aoi resta une nouvelle fois en retrait, regardant sur le côté, ou alors observant les pâtisseries. En y repensant, l'Impératrice en était folle, elle aussi, ce qui leur faisait un trait de caractère commun. A cette pensée, comparant la petite fille énergetique avec ce bel homme ténébreux, la servante eut un faible sourire qui disparut aussitôt au moment où elle se rendit compte que Kai Alvise lui demanda s'il connaissait les vers qu'il avait énoncé. La logique aurait voulu qu'elle réponde non, puisqu'elle était une femme et n'avait donc pas eut accès à l'enseignement supérieur. Cependant, Aoi se documentait toute seule, et aimait énormement la lecture et tout ce qui allait avec :

- Ou... Oui, en effet. J'ai beaucoup aimé la plupart de ses écrits.

Que devait-elle répondre de plus ? Elle ne savait même pas si elle devait partir maintenant, ou lui tenir compagnie ? Lui tenir compagnie... Elle n'était pas employée pour ça ! Pourquoi lui venait-il une telle idée ? Allez savoir, toujours est-il qu'elle restait dans son coin, puis, timidement, elle posa une question alors qu'elle n'en avait pas le droit :

- Aimez-vous lire ?

Ses joues rosies trahissaient son effort pour essayer de sortir de sa timidité naturelle. Doucement, sa main replaça une mèche de cheveux qui la gênait derrière son oreille, pendant que ses yeux étaient dirigés vers le bas.