Echoppe de Takashita

Ama, toujours sous sa forme de louve, avait pu réussir à quitter le Palais dans la discrétion la plus totale, par la porte, sans que personne ne la remarque. En tout cas, on ne l'avait pas arrêtée. Quelle imprudence ! Si l'Assemblée découvrait qu'elle sortait sans son accord, elle ne donnerait pas cher de sa peau et de son rang. Mais pour l'heure, l'Impératrice était plutôt concentrée sur son ami. Celui-ci avait dit qu'il voulait aller se changer, mais il était parti en ville, pourquoi donc ? Avait-il besoin de nouveaux vêtements ? Il y avait beaucoup de monde pourtant au Palais Impérial, on aurait pu aisément lui faire des prêts.. Ou alors il était timide ? Ce devait probablement être ça. A cette idée, a jeune fille en ria intérieurement, alors qu'à l'extérieur, cela ressemblait plus à un sourire démoniaque laissant apercevoir des crocs impeccables.

Ne se laissant pas dérangée par la pluie, qui, outre qu'elle trempait complètement son beau pelage blanc, ne faisait même pas partir les peintures rouges sur son corps, comme si elles y étaient incrustées. Quel mystère, me direz-vous là, mais malheureusement, je ne suis pas habilité à répondre, et puis, soyons sérieux, qui cela intéresse-t-il ? Bref, revenons à nos loups. La petite Ama reconnu, pendant qu'elle avançait, les quartiers marchands. Ceux-ci étaient pratiquement déserts, ce qui était logique, l'heure du couvre-feu allait bientôt sonner. Mieux valait ne pas trop traîner, mais, simple enfant ou trop idiote, l'Impératrice était plus obsédée par Atoki qu'autre chose, attirée par sa fuite.

Enfin, laissant son instinct, son odorat mouillé et ses yeux la guider, elle pu arriver devant une étrange auberge, sans réussir à en lire l'enseigne. Et devant se trouvait l'ex-mafieux ainsi qu'un grand homme brun au visage très étrange. Physiquement parlant, il avait la même carrure qu'un ours, un gros nounours ! Ama avait bien envie de lui faire des câlins ! Mais la voie de la prudence, ou la voix de Sebastian résonnante, allez savoir, je préfère ne pas être dans sa tête, lui intimèrent de rester cachée à l'abri des regards, à l'ombre, pou observer doucement. Certes, son ouïe était fine, mais la souveraine avait bien du manquer la moitié de la conversation, et ne comprenait que très peu ce qu'ils se disaient.

Une chose, cependant, attira son attention. Son ami avait peur du conseiller et que celui-ci ne le tue pour être sorti, et qu'il ne savait pas s'il devait partir ou rentrer. Et l'autre homme lui ordonnait presque de s'enfuir, de s'en aller loin d'ici, loin d'Ama. A l'idée de perdre son nouvel ami, l'Impératrice laissa échapper un jappement un peu sonore, mais pas trop, avant de baisser la tête. Bon, elle n'allait pas non plus hurler à la lune, mais elle en était tout de même triste. Cependant, que pouvait-elle faire ? Elle ne pouvait pas l'aider.

Grattant un peu le sol avec sa patte, la jeune fille fit demi-tour, se demandant si elle devait rentrer au Palais Impérial, ou si elle devait faire un caprice et forcer Atoki à rester. Cependant, à l'idée qu'il parte et qu'elle ne le revoit plus jamais, comme son frère, comme ses parents, la louve blanche fonça en direction de l'ex-mafieux, la gueule béante pour attraper son haut et tirer dessus, sans pour autant déchirer. Elle voulait qu'il reste avec elle, peu importe qu'il le veuille ou non. Oui, elle avait bien choisi le caprice d'enfant à la résignation de l'adulte.

Ne cherchant pas à lâcher Atoki, Ama ne cessait de tirer sur son haut, comme pour essayer de le ramener vers elle, qu'il ne parte pas loin d'ici. Oui, c'était égoïste, mais ne l'oublions pas, l'Impératrice n'était qu'une petite fille, du moins mentalement, et un tant soit peu, elle faisait des caprices pour un rien. Et ce soir, il concernait une nouvelle fois l'ex-mafieux. Cependant, la souveraine dut se résigner à cesser de mordre sa chemise lorsque celui-ci tomba au sol. Dépitée, la petite se recula, se demandant si elle avait énervé son ami. Peut-être même l'avait-elle déjà fait avant s'il souhaitait déjà partir... Mais pourquoi ? S'il y avait un problème, elle changerait, mais elle ne voulait pas voir quelqu'un partir encore une fois.

Doucement, la petite sentit alors qu'Atoki était plus étonné qu'autre chose, et celui-ci se mit d'ailleurs à la faire rentrer dans l'espèce d'auberge. D'abord hésitante, l'Impératrice ne fit que suivre, entrant à son tour avant de se rendre compte que le grand homme avait fermé derrière lui. Bon, pas qu'elle s'inquiétait, loin de là, elle était plus préoccupée par son ami. Celui-ci était à présent assis, Ama fit de même, sur ses pattes arrières, avant de bailler un peu. Mais la phrase de l'ex-mafieux la fit quelque peu sursauter. Il lui parlait comme si elle était une étrangère. Lui en voulait-il autant que ça ? Sous le coup, la jeune fille jappa une nouvelle fois pour se manifester, montrant même un peu les crocs, mais en fait, cela ne servait à rien.

Oui, car Ama, l'Impératrice, la femme la plus importante du Royaume (ou presque) était en fait incapable de communiquer avec les humains lorsqu'elle était sous forme animale. Chose étrange n'est-ce pas ? Mais si cela venait à se savoir, l'on douterait sans doute fortement de la souveraine de Shangri-la, ce pourquoi seuls Sebastian et quelques personnes étaient au courant de ce secret. Décidément, la louve blanche était un drôle de numéro.

Se relevant alors doucement, Ama ne savait pas tellement comment communiquer avec Atoki et l'homme. Elle était incapable de parler, et ne pouvait se permettre de se transformer. D'abord parce qu'il y avait un étranger, et de plus, parce que si elle le faisait, elle se retrouverait nue devant deux personnes de sexe masculin. Bon, avouons-le, l'Impératrice n'était pas très pudique, mais elle trouvait quand même ça gênant. Assise à nouveau, n'ayant pas pu trouver de solutions, la jeune fille tenta de faire marcher son cerveau et les rouages "complexes" qu'il contenait. Mais aucune idée ne lui vint. Résignée, la louve chercha dans tous les recoins, essayant de trouver un drap ou une nappe. Dans une taverne... Les tables n'étaient pas vraiment couvertes il fallait dire. Que faire ?

Tout en se résignant, Ama s'allongea à terre avant de bailler une nouvelle fois. Peut-être une solution lui viendrait-elle si elle se reposait ? Enfin, s'allongeait, se décontractait, tout ce que vous voulez ! Bref, il lui fallait réfléchir, soit à une nouvelle solution, soit à un endroit où se trouvait quelque chose qui pouvait la couvrir. Les yeux ouverts, l'Impératrice redressa brutalement la tête, puis se précipita vers une nappe présente sur une table dans le fond de la pièce. La gueule en avant, elle se mit à l'attraper pour tirer dessus, se faisant recouvrir entièrement.

Ainsi revêtue, la petite entama sa transformation, se retrouvant alors en humaine. Tout en s'empêtrant dans la nappe assez grande pour elle, la petite en sortir sa tête, comme si elle pouvait à nouveau respirer. Doucement, elle pivota sa tête vers l'arrière pour faire face à Atoki et à l'homme :

- Atoki-kun...

L'Impératrice affichait des yeux brillants, signe qu'elle allait bientôt réclamer quelque chose.

Atoki était perdu dans ses pensées, et ne vit pas le loup promener son regard à travers la pièce. Il avait presque oublié la présence de l’animal qu’il caressait machinalement, quand soudain ses doigts se refermèrent sur le vide : le loup avait bougé et se dirigeait vers une petite table au fond de la pièce. Il arracha la nappe, avant de s’en recouvrir, le tout exécuté comme intentionnellement. Ces gestes étonnèrent l’adolescent, qui ne voyait toujours pas la personne caché sous le loup… Ou c’était un accident ou cet animal était sacrément intelligent !

Soudain, quelque chose d’incroyable se passa : le loup en face d’Atoki prit petit à petit forme humain. Ebahi, l’ex-mafieux ne réalisa qu’à cet instant que les habitants de Shangri-La avait la faculté de se transformer en un animal. Voilà qui lui sortait bien souvent de l’esprit… Il comprenait mieux pourquoi Takashita avait fermé la porte du magasin : ce loup pouvait être n’importe qui, y compris un assassin envoyé par Sebastian. L’adolescent s’éloigna doucement de la masse blanche informe tout en lui faisant face, jusqu’à s’approcher de la caisse. Les mains crispées, il attrapa le couteau qui se trouvait sur le comptoir, et le dissimula habilement derrière son dos sans quitter la nappe des yeux. Il était prêt à tuer pour sauver sa vie ou celle de son père adoptif s’il le fallait.

Le voile blanc se soulevait par intermittence : la chose humaine bougeait… Tout à coup, une tête apparut, suivie d’un cri. Reconnaissant le visage et la voix de l’Impératrice hurlant son prénom, Atoki se figea de surprise, avant de lâcher le couteau qui atterrit à terre avec un bruit métallique, rompant le silence soudain. Le fracas sembla sortir l’adolescent de son mutisme, et il s’exclama :

- Ama ?! Mais qu’est ce que tu… vous faites ici ??

Le loup ne connaissait pas encore assez bien Ama pour comprendre d'après son regard qu'elle s'apprêter à formuler une demande surement déraisonnable, un caprice donc, et de toute façon, il était trop choqué par sa présence ici pour dire autre chose.




Si Takashita n’était guère surpris que derrière ce loup se cacha un être humain, il le fut beaucoup plus en comprenant que cette fillette était l’Impératrice. En effet, ses cheveux et les restes de peinture le prouvaient… L’homme s’empressa donc de s’agenouiller et murmura d'une voix emprunte d'un infini respect :

- Je suis votre serviteur.

Comme beaucoup de gens du peuple, le commerçant vénérait la famille impériale. Il était donc très impressionné d’avoir un de ses membres juste en face de lui. Mais cela faisait une personne de plus qui connaissait le secret d’Ama (même si Takashita était déjà au courant, vu qu’Atoki lui avait déjà tout raconté)...




L’adolescent fut surpris par la réaction de son père adoptif… Ainsi, le culte de l’Impératrice était à ce point, ici. Dans Eden, il aurait été impensable de se comporter de la même façon devant le chef ; le respect s’exprimait de façon complètement différente. Cependant, ce n’était guère le moment d’exprimer ces considérations. L’Impératrice, que le conseiller cherchait partout, s’était enfuie du Palais d’où elle n’avait pas le droit de sortir (mais que faisaient les gardes ??), et tout cela pour suivre Atoki. Cette fois-ci, l’ex-mafieux songea qu’il n’y couperait pas : Sebastian allait le tuer.

Ama n'était pas très bien installée dans tous ses draps, mais elle était bien obligée d'y rester, d'une afin d'empêcher qu'on la voit nue, ce serait trop embarrassant, de deux, pour que cela lui tienne un peu chaud. A votre avis, les vêtements, ça sert à quoi ? Enfin bref, la petite Impératrice n'avait pas remarqué que pendant sa métamorphose, Atoki n'avait pas tout de suite soupçonné que c'était elle, cachant un couteau derrière lui. Non, et puis franchement, pensiez vous vraiment qu'elle se douterait d'une telle chose ? Ca non, c'était presque impossible ! Même après avoir entendu le tintement que provoqua l'arme en tombant au sol.

Enfin voilà. La jeune fille ne cessait de fixer l'ex-mafieux avec des petits yeux d'animaux battus, se préparant déjà à le supplier de quelque chose, jusqu'à entendre l'autre homme s'incliner face à elle, lui vouant le respect le plus total. La bourde ! Elle s'était montrée face à quelqu'un alors qu'elle n'en avait pas le droit ! Sebastian allait la gronder ! Mais en même temps, Ama n'avait pu se résoudre à voir partir Atoki, elle s'était déjà attachée à lui. Essayant tout de même de se faire bien voir, comme elle l'avait lu dans les livres, la petite Impératrice se leva pour s'avancer vers l'homme agenouillé, avant de s'incliner poliment devant lui :

- Je ne mérite pas de tels honneurs... Wai !

La jeune fille s'était déjà empêtrée dans les draps et fit une petite chute sur le sol, allongée de tout son long. Un ange passa. Puis la souveraine se redressa en se frottant le front à cause d'une petite bosse. Enfin, son regard revint en direction de l'ex-mafieux. Toujours au sol, elle s'avança quand même un peu vers lui avant de tirer sur sa veste, comme elle l'avait fait en louve :

- Atoki-kun, pourquoi tu veux partir ? Tu dois t'en aller ?

Elle n'aimait absolument pas cette idée, et s'il le fallait, elle était prête à le retenir de toute ses forces et du haut de ses 1m55. Oui, à ses yeux, elle avait tout de la petite enfant d'à peine douze ans, mais réellement, elle en avait dix-sept et savait se battre. Certes, physiquement, on avait presque l'impression qu'avec une pichenette elle s'envolerait, mais ça n'était pas le cas. Mais de toute façon, l'Impératrice ne voulait pas se battre, juste récupérer son ami :

- Je n'ai pas envie que tu t'en ailles, moi je t'aime.

"Je t'aime", traduction plutôt en je t'aime bien. La nappe blanche officiellement drap la couvrant toujours assez bien vu qu'il était trop large sur elle -sur Takahashita, ça aurait plutôt fait office de serviette-, la petite s'y emmitoufla assez bien, comme pour se protéger et se préparer à répondre si Atoki lui donnait des raisons. Peu importe lesquelles, Ama voulait qu'il reste, c'était obligé ! Laissant apparaître une nouvelle fois ses petits yeux d'animaux suppliants, la souveraine restait assise face à l'ex-mafieux.

Tout en gardant la nappe sur elle afin de se couvrir, la petite Ama était assise face à Atoki, le fixant de ses grands yeux rouges suppliants afin qu'il reste auprès d'elle. Il était son ami, et il était vrai que hormis Sebastian, l'Impératrice n'avait que peu de gens de confiance auprès d'elle, du moins très peu qu'elle ne puisse fréquenter, à part ses amis de la rue lorsqu'elle se déguisait, bien entendu, et encore, elle n'en comptait que très peu. Etrange, d'ailleurs, qu'elle n'ait jamais vu Takahashita, il avait l'air de vivre ici depuis un moment. Oh, ce n'était pas très important. Le plus préoccupant était plutôt l'ex-mafieux, et ce dernier occupait toutes les pensées de notre souveraine. Cependant, il n'avait pas l'air d'avoir envie de revenir, et donnait comme raison qu'il vivait loin d'ici. Pas prête de lâcher l'affaire, la jeune fille s'agrippa tout de même à son pantalon :

- Mais non, tu étais dans la forêt, tu es venu ici, ce n'est pas loin ta maison.

Bien entendu, Ama cherchait des excuses pour voir Atoki rester près d'elle. Etrangement, lorsqu'elle lui avait dit qu'elle ne voulait pas qu'il s'en aille, l'ex-mafieux avait rougit. Pourquoi ? Oh ! Mais bien sûr ! La louve blanche aurait du y penser plutôt ! Il avait attrapé froid ! C'était obligé, vu ce qu'il s'était passé sous la pluie. Et peut-être ne voulait-il pas se montrer faible -Oui, Ama avait une conception assez étrange de l'esprit masculin, vive les livres bizarres- devant elle, ou devant les autres personnes du Palais. Quelle idiote elle était ! Laissant montrer ses canines, la petite Impératrice s'agrippa alors à son pantalon une nouvelle fois, vu qu'elle était accroupie, et ma foi, encore plus petite dans cette position :

- Mais ne t'inquiètes pas, Atoki-kun ! Si tu es malade, on te soignera sans se moquer, ou alors c'est promis, je le dirai à personne, comme j'ai fait avec niichan et S...

Se bâillonnant alors par réflexe, comme Sebastian le faisait avec elle si souvent, elle reprit la parole avec un sourire, comme si elle avait oublié la bêtise qu'elle allait faire :

- Je garderai le secret, alors reste s'il te plaît !

L'avait-elle convaincu ? Elle n'en savait rien. Par contre, une autre personne, jusque là presque absente dans la discussion, était intervenue. "L'homme gigantesque à la barbiche qui pique" -nom provisoire donné par la souveraine en raison qu'elle ne connaissait pas son nom- avait prit la parole pour dire que tous ses désirs étaient des ordres pour lui. Ah bon ? Pourtant, Sebastian lui donnait plus de choses à faire qu'il ne lui obéissait pourtant, enfin presque. Perplexe et accroupie, la jeune fille se retourna vers l'inconnu avec des points d'interrogations autour de sa tête :

- Mais il va revenir nion ? Parce que... Parce qu'il m'aime bien lui aussi, hein ? Atoki-kun, tu vas pas nous laisser au Palais alors que tu n'es venu qu'aujourd'hui...

C'était l'évidence pour elle, mais les mots de l'homme gigantesque à la barbiche qui pique lui avait fait prendre conscience que si elle le voulait, elle pouvait très bien ordonner à ce qu'on emmène Atoki. Mais logiquement, pensez-vous vraiment qu'elle le pouvait ? D'abord, parce qu'Ama n'aimait pas contraindre les gens -du moins pas sur ce sujet, après tout, elle n'était qu'une petite fille mentalement-, et de plus, elle était seule, gamine, face à deux hommes non sans carrure. Et si cet inconnu ne s'était pas déclaré comme étant son serviteur, ils auraient très bien pu tout deux n'en faire qu'une bouchée. Et de plus, elle ne pouvait appeler personne, elle-même n'étant pas tellement en bonne position par rapport au marché que feu son père avait passé avec l'Assemblée.

Bref, tout cela n'était pas si simple. Mais pour le cerveau simple qu'était celui de l'Impératrice, il ne se résumait qu'à une chose : Atoki devait rentrer.

Malgré tout ce qu’avait pu dire Ama, Atoki ne semblait pas convaincu de revenir, persuadant la petite Impératrice qu’il était en excellente santé, et n’avait donc pas besoin d’être soigné au Palais. De plus, il souhaitait revoir sa petite sœur, et c’était compréhensible. Après tout, elle avait beau se comporter comme une enfant, la jeune fille comprenait bien les sentiments qui liaient à la famille. Après tout, combien de fois n’avait-elle pas rêvé que son grand frère était revenu ? Que jamais il n’était parti, que comme toutes les nuits, il venait s’occuper d’elle avant de dormir, qu’il lui faisait un bisou sur le front, en chuchotant qu’il serait toujours là, jusqu’à ce qu’Ama ne se réveille et constate qu’il était parti pour toujours et ne reviendrait pas. Elle n’avait pas le droit de s’approprier Atoki, il ne serait jamais Geki, jamais, et il devait retourner auprès de sa sœur, qui elle, avait certainement besoin de lui.

Baissant les yeux, signe qu’elle comprenait, l’Impératrice ne pleura pas du tout, même si elle était en quelque sorte déchirée à l’intérieur à l’idée de perdre une nouvelle fois son grand frère. Elle n’avait qu’une seule idée, c’était de s’accrocher à l’ex-mafieux pour qu’il reste auprès d’elle, qu’il ne la quitte jamais comme les autres et reste auprès d’elle pour toujours. Mais quelque part, le côté mature très profondément enfoui dans sa tête, la véritable Ama de dix-sept ans lui chuchotait qu’elle n’avait pas à mettre une autre fille dans la même situation qu’elle, ce serait beaucoup trop égoïste. Le teint sombre, la jeune fille resta assise avec la nappe blanche sur elle, couvrant son petit corps encore nu :

- Je… Je comprends… C’est normal après tout. Je suis sûre que ta petite sœur doit t’adorer, Atoki-kun, alors il faudra bien t’occuper d’elle, d’accord ?

Préférant alors cacher son visage, la souveraine entama sa transformation et une louve blanche prit sa place. Il ne lui restait plus beaucoup de temps avant la fin du délai imparti, et il valait mieux pour qu’elle court avant de rentrer. Quittant alors doucement la nappe pour s’en dégager, la petite Impératrice s’inclina poliment devant Takahashita avant de se tourner une dernière fois vers Atoki. Elle ne pouvait pas lui parler. Personne n’avait jamais su pourquoi, mais Ama était bien une des rares personnalités de Shangri-la à ne pas pouvoir communiquer avec les autres personnes de son peuple sous sa forme animal. Avait-elle reçu un autre don ? Un « Echange Equivalent » ? Il était impossible de savoir, mais la réponse était pratiquement certaine, non. Après tout, elle n’avait que la force d’un loup normal, et sa magie ne fonctionnait pas sous cette forme. Donc soyons logiques.

Mais cela valait sans doute mieux, au moins, elle n’aurait pas eu besoin de dire « au revoir » à Atoki sous peine de montrer une voix toute tremblante. La petite souveraine préféra donc lui tourner le dos, sa queue blanche à pointe noire restait immobile, comme si elle était toute tranquille. Puis enfin, elle s’avança vers la porte avant de s’asseoir pour fixer Takahashita afin qu’il puisse lui ouvrir la porte, elle ne pouvait pas le faire sous cette forme.

Cet homme ne lui ouvrait pas la porte. Avait-il mal compris ? Pourtant cela semblait évident qu'elle souhaitait sortir, même Ama le comprenait, c'était donc qu'il le faisait exprès. Mais pourquoi la retenir ainsi ? Les yeux rouges de la louve essayaient de comprendre en fixant le visage de ce géant, qui paraissait d'ailleurs encore plus grand maintenant qu'elle était sous forme animal. Cependant, celui-ci restait de marbre, jetant de temps à autre des regards assez significatifs à Atoki. De plus, dans ses mots, il y avait quelque chose d'assez spécial, mais l'Impératrice ne pouvait réellement le décrire, et de toute façon, elle ne pouvait l'expliquer. Baissant la tête aux reproches du propriétaire de l'échoppe, la jeune fille resta assise, perdant de son temps précieux pour sa métamorphose. Mieux valait régler la situation le plus vite possible. Mais comment ? L'ex-mafieux avait pourtant dit qu'il voulait revoir sa soeur, elle n'avait pas à s'y opposer, ce serait se rendre encore plus cruelle que les gens lui ayant arraché son frère.

Ne pouvant communiquer sous cette forme animale, la petite souveraine ne pouvait pas répondre pour l'instant quant au fait qu'Atoki se faisait remonter les bretelles. Mais après tout, c'était normal. Cet homme ne voulait pas voir l'ex-mafieux mourir, donc il devait sans doute souhaiter le voir revenir au Palais avec elle. De toute façon, elle pourrait toujours empêcher Seb de lui faire du mal, malgré sa promesse. De toute façon, elle était Impératrice non ? Elle avait bien le droit de donner des ordres de temps en temps à son conseiller, peu importe ce qu'il pensait ! Pour elle, un ami était un ami, et jamais il ne lui viendrait à l'idée qu'il puisse lui faire du mal, à elle ou son entourage.

Une ampoule s'activa alors au-dessus de la tête d'Ama. En effet, celle-ci venait tout juste de comprendre pourquoi Atoki ne voulait pas rentrer. S'il souhaitait voir sa soeur, il risquait de rompre le contrat avec Sebastian, donc il se ferait sans doute tuer. Oui, le cerveau de notre chère Impératrice avait fonctionné à l'envers, trouvant les réponses avant la problématique. Les yeux rouges de la louve se posèrent alors sur le jeune garçon, puis sur l'homme qui s'était à présent incliné devant elle.

N'ayant pas encore l'habitude de voir des gens à genoux, surtout pour elle, l'Impératrice secoua doucement la tête avant de se re-transformer en humaine. Les jambes resserrées et les cheveux cachant sa faible poitrine. La petite était à présent à genoux, et entièrement nue de surcroit, n'ayant pas cherché à se couvrir de la nappe cette fois-ci. Quelle manque de pudeur, mais bon, n'essayons pas de comprendre la personnalité d'une fille comme Ama, ou l'on risquerait de se perdre.

A présent, il fallait qu'elle déclare quelque chose pour rompre le silence. L'homme face à elle étant toujours à genou, il était bien en-dessous de la taille de l'Impératrice à présent, afin qu'elle le regarde de haut, équivalence à son rang. Décollant doucement ses lèvres, une voix quelque peu tremblotante, mais un peu plus rassurée depuis qu'elle avait décidé de laisser Atoki partir :

- Je comprend parfaitement. Mais je n'ai pas le droit de m'opposer aux choix d'Atoki-kun. S'il veut partir, il peut partir. S'il ne le veut pas, qu'il le dise tout de suite, et nous rentrerons.

Elle ne savait pas pourquoi, mais maintenant, ses yeux fuyaient ceux de l'ex-mafieux, comme si elle voulait éviter de les croiser. Pourquoi ? Sans doute avait-elle peur de lire une expression déçue ou peinée, comme s'il devrait encore s'exprimer d'une autre façon pour dire qu'il avait juste envie de partir loin d'ici. De toute façon, depuis le début elle s'était trompée en le forçant à rester avec elle. Le côté quelque peu mature d'Ama commençait à prendre le pas sur la petite fille, et celui-ci était le reflet de l'amertume et du chagrin de l'Impératrice depuis des années.

Après s'être prononcée sur la situation, déclarant que le choix revenait entièrement à Atoki, Ama sentit un drap sur elle, la réchauffant et la protégeant un peu. Levant doucement les yeux, l'Impératrice se rendit compte que c'était l'ex-mafieux qui l'avait couvert. Pourquoi donc ? Après tout, Seb l'avait souvent vu comme ça, même si c'était pour le bain. De plus, son visage n'était plus aussi blanc qu'avant, rosissant quelque peu. Ne comprenant rien sur le coup, la souveraine ne fit que froisser un peu le tissu en le serrant contre elle pour se couvrir. Il faisait un peu frais aussi, il fallait l'avouer.

Toujours accroupie au sol, l'homme face à elle s'était finalement redressé, acceptant la proposition de la jeune fille. Au moins y'avait-il une personne en accord avec elle. Mais ce qu'il fallait, c'était l'avis du principal intéressé, or, celui-ci n'avait toujours pas dit un mot, préférant sans doute y réfléchir. Ama comprenait, il devait peut-être peser le pour et le contre. S'il acceptait de revenir, il ne pourrait plus voir sa petite soeur, mais s'il partait maintenant, il risquait de mourir, des mains de Sebastian ou de quiconque d'autre. Et de plus, l'Impératrice n'osait pas le regarder dans les yeux, préférant fixer ses petites cuisses à la peau blanche et laiteuse dépassant du drap.

Cependant, le loup gris s'exprima alors tout de suite, demandant à la souveraine ce qu'elle voulait. Mais pourquoi faisait-il cela ? Ama ne pu s'empêcher de laisser voir sa surprise, d'autant plus qu'il réagissait exactement comme elle ne voulait pas qu'il fasse. La vérité, elle avait peur de le dire et de passer pour une fille capricieuse. Chose étrange, puisque jusqu'à présent, elle n'avait jamais réellement fait attention à son image, et devant Atoki, elle voulait éviter d'être une enfant gâtée -ce qu'elle avait pourtant déjà fait beaucoup de fois- et le dégoûter. Mais maintenant qu'il avait posé la question, la jeune fille ne pouvait plus vraiment se retenir. Doucement, elle se releva avant de s'avancer en direction de l'ex-mafieux, se retrouvant devant lui.

Une personne extérieure pouvait sans doute réaliser à quel point, maintenant qu'elle était à face à lui, la différence de taille était frappante. De plus, du haut de ses un mètre cinquante-cinq, Ama passait bien pour une petite fille face à ce pré-adulte. Ses frêles mains apparurent au travers des draps pour s'y accrocher et le maintenir, mais l'Impératrice n'arrivait pas à lever les yeux vers son ami, comme pour cacher ses derniers moments de résistance :

- Je...

Elle n'arrivait pas à s'exprimer, à dire ce qu'elle voulait, comme si tout était bloqué en travers de sa gorge. Parce qu'elle réprimait ses sentiments ? Sans doute, et que de cette manière, elle empêchait aussi les mots de sortir. Ses petites mains allèrent s'accrocher à la chemise d'Atoki, laissant alors sa tête s'y coller, comme si elle voulait le câliner. Sauf que cette fois, elle y mettait toute la force qu'elle avait, voulant sans doute exprimer le fait qu'elle ne voulait pas le voir partir :

- Je veux pas que tu partes. Parce qu'on est amis, je suis contente d'avoir mon ami à moi, parce que tout le monde est parti. Maman, papa, niichan, et j'ai même plus le droit de voir mes copains, il n'y a que Seb avec moi, tous les autres sont effrayants, ils me font peur. S'il te plaît... Restes... Restes...

Tremblant légèrement, cela se sentait que la petite faisait tout pour retenir ses larmes, pour montrer qu'elle pouvait réprimer ses sentiments et qu'elle savait rester ferme, comme l'Impératrice qu'elle était. Mais tout cela était une chose bien difficile, et Ama y peinait. Mais au moins, la tête collée au bas du torse de l'ex-mafieux, elle pouvait lui cacher son visage.

D'ordinaire, et Ama s'en rendait bien compte, il ne lui suffisait que d'un petit claquement de doigt, et elle obtenait tout ce qu'elle désirait. Qu'il s'agisse de sucreries, de divertissements, de partenaires de jeux, rien ne lui était refusé, excepté les sorties, puisqu'elle devait restée confinée au Palais, sans pouvoir avouer qu'elle faisait le mur avec son conseiller pour connaître "l'extérieur". Et maintenant, dans cette petite échoppe, avec le nouvel ami qu'elle s'était fait, la petite avait plus que du mal à faire comme d'habitude. Elle aurait très bien pu l'obliger à rentrer, le menacer -bon, soyons franc, vous voyez vraiment Ama menacer quelqu'un ?- et lui dire de rester avec elle pour toujours, mais non. L'une de ses parts de maturité cachée lui avait appris que dans la vie, peu importe son rang, que l'on soit petit paysan ou grande Impératrice, il y avait des choses qui ne s'obtenait pas, qui ne pouvait s'acheter et qui ne dépendait que des autres personnes.

Toujours blottie contre Atoki, la jeune fille essayait de s'y faire, s'attendant presque à se faire rejeter par l'ex-mafieux et à se retrouver toute seule pour rentrer, comme elle s'apprêtait à faire tout à l'heure. Mais au lieu de ça, Ama sentit un regard, puis une main bienfaisante lui caresser la tête en lui ébouriffant les cheveux. Redressant son visage, l'Impératrice croisa les yeux de son ami, mais celui-ci restait silencieux. Gênée par la situation et la crainte qu'il n'ai vu ses yeux un peu humide à force de retenir ses larmes, elle prit un bout du drap pour se frotter les yeux avec et s'arranger un peu, jusqu'à l'entendre accepter de revenir. A cette idée, un petit rayon éclaira quelque peu ses sentiments, puis la Ama triste et mature refit place à la petite gamine habituelle que l'on connaissait bien. Son sourire réapparu, laissant voir ses petites canines d'un blanc parfait, avant qu'elle ne fasse des petits bonds en l'air pour manifester sa joie, tout en évitant quand même de se prendre les pieds dans le drap :

- OUIIIII !

Sautillant sur ses pieds, la jeune fille s'était à présent écartée d'Atoki pour manifester sa joie. Mais l'aubergiste vint bien vite interrompre sa danse de la joie en tirant l'ex-mafieux en arrière, ce qui bien sûr, n'échappa pas à l'Impératrice. Celui-ci conseillait de partir dés maintenant, et bien sûr, de se re-transformer en loup. Cependant, ça cogitait beaucoup dans la petite tête d'Ama, et celle-ci avait bien vu que lorsqu'elle avait rencontré le garçon, celui-ci était déjà sous sa forme animale, et cela ne faisait pas encore 24h. Il fallait espérer que ça ne durerait pas trop longtemps.

Puis, avant encore qu'elle ne se transforme, le grand homme vint près d'elle pour lui demander de prendre soin de l'ex-mafieux, la suppliant presque de faire ce qu'il lui demandait. Le sourire de l'Impératrice ne fit alors que s'élargir, puis elle fit un signe de la victoire avec sa main droite :

- Avec moi, personne ne craint rien !

Dans le monde merveilleux d'Ama Kami, la seule chose à craindre était d'être engloutie sous les gâteaux, oui ! Mais bon, peut-être était-ce préférable face à une torture et une morte lente de la part du conseiller ou autre personne souhaitant annihiler dans les pires souffrances le jeune homme. Et Dieu seul savait combien il en avait, ce que bien sûr, l'adolescente ignorait, entendons nous. Mais à présent que tout était réglé, elle reprit sa forme de louve, s'approchant un peu de la porte en faisant signe à Atoki de dire au revoir à l'aubergiste puisqu'il était temps de partir. Laissant échapper un faible jappement, elle traversa alors la porte entre ouverte -en supposant que Takahashita l'ai ouverte peu avant cela-, s'attendant à ce que son ami la suivre.

Atoki

Atoki se rapprocha de son père adoptif, pour lui dire aurevoir. Il n’allait pas très loin, mais serait certainement dans l’impossibilité de revenir le voir avant longtemps, comme Seb le retenait prisonnier. Il s’approcha de lui et lui murmura à l’oreille :

- Normalement, ils devraient t’envoyer une partie de mon salaire. Je leur ai raconté que tu le transmettrais à mes parents campagnards, comme je suis censé être le cousin de Sebastian. Bien sur, cet argent est pour toi hein ! Je te remercie pour tout ce que tu as fait pour moi, Taka. Je ne t’oublierai jamais.




Le discours d’Atoki sonnait comme un adieu définitif, ce à quoi le commerçant ne voulait pas croire. Il était certain qu’il reverrait son fils adoptif ! Il se contenta donc d’un « à bientôt », avant de le serrer fort dans ses bras, geste tendre qui sembla surprendre le loup. L’adolescent allait lui manquer, certes, mais il se sentait beaucoup plus rassuré de le savoir dans le Palais Impérial, que vagabondant seul à travers ces contrées dangereuses… Il lâcha enfin Atoki avec un soupir, en se promettant de mettre tout l’argent que l’ex-mafieux le lui enverrait de côté, pour lui donner le jour où il reviendrait. Après tout, Takashita ne vivait pas trop mal : ses affaires marchaient plutôt bien, et le loup aurait peut-être un jour besoin de cet argent qu’il avait durement gagné. Le commerçant ajouta doucement :

- Si un jour tu as des problèmes, n’oublie pas que je suis là.

En effet, le commerçant se doutait qu’Atoki cachait un lourd passé. S’il ne lui avait jamais demandé de le révéler, respectueux des jardins secrets de son protégé, il voulait être certain que son fils adoptif n’hésiterait jamais à venir lui demander de l’aide. Maintenant qu’il avait dit tout ce qu’il avait à dire, il adressa un clin d’œil au loup, tout en le poussant vers la porte qu’il venait d’ouvrir, et devant laquelle se tenait Ama, déjà changée en animal. Takashita était rassuré de savoir que l’adolescente veillerait sur son protégé.


Atoki

Voyant Ama en louve, Atoki s’empressa de se transformer également. Après un dernier regard vers Takashita, l’ex-mafieux se décida à tourner momentanément dos à son passé chez le commerçant, pour se concentrer sur l’Impératrice devant lui, et sa tâche au Palais Impérial. Il allait déjà falloir affronter Sebastian…

[ --> Palais impérial (je te laisse choisir où on arrive Amouche ^^ ]