Entrée d'Eden

Description

Tout Eden est entouré de profondes douves et d'un mur immense. Il n'existe qu'une seule entrée: elle se trouve dans un bâtiment en pierre de dimension modeste, au fin fond de Shangri-La. Le seul moyen d'y accéder est d'emprunter un petit sentier caché dans la campagne Takamiya. Le cours d'eau est enjambé par un petit pont, que seuls les membres des Roses Bleues peuvent emprunter : une barrière magique invisible empêche l'intrusion de tout étranger. Ceux qui voudraient devenir des membres à part entière des Roses Bleues sont d'ailleurs priés d'attendre devant ce pont la venue de Myu, qui passe tous les matins. La barrière magique n'est cependant pas infranchissable pour ceux qui connaissent son fonctionnement. Vient ensuite un petit escalier de bois qui mène au premier étage de l'avant poste. Il faut traverser celui-ci pour entrer dans Eden. A l'intérieur, chaque membre doit décliner son identité afin que la porte de derrière s'ouvre, ouvrant le chemin vers Eden. Le Conseil a accès à ces informations et est ainsi toujours au courant du nombre exact de membres présents à l'intérieur d'Eden.

Spoiler:

Il était midi, l'heure où le soleil brille fort, il faisait donc très chaud, surtout qu'il n'y avait pas un nuage dans le ciel, laissant les rayons assomer les êtres vivants. Mais cela n'empêchait pas Noroi de continuer, de plus, il était presque arrivé, il n'allait pas se décourager. Il se disait que la Planète lui envoyait juste une épreuve, comme ce long voyage éprouvant, afin qu'elle soit sûre de son dévouement envers elle. Après tout, il était "l'élu" de Gaïa, il avait été désigné (ou s'était plutôt autoproclamé) par Gaïa elle-même comme étant le futur Dieu, alors il se devait de réussir ce voyage. Il avait dû traverser beaucoup de kilomètres sur l'Eternal Spiral, son pays natal où il avait vécu jusqu'alors et qu'il avait finalement quitté, puis il avait dû franchir la frontière, ce qui ne fût pas de tout repos. Arrivé à Shangri-La, il n'avait plus assez de provisions, alors il dût s'acheter de la nourriture et à boire, ainsi qu'un moyen de transport, qui lui, fût volé. Et maintenant, il traversait ce pays à dos de cheval, pour aller jusqu'à l'Eden, territoire des Roses Bleues, qu'il voulait rejoindre.

Non, il n'était pas juste ennemi des deux autres pays, mais de toute l'humanité, enveloppant donc Eternal Spiral, Shangri-La, mais aussi les Roses Bleues. Detruire les hommes et recréer un Nouveau Monde n'était pas quelque chose qui se fait en deux jours, il fallait du temps. C'est pourquoi il rejoignait le groupe le plus enclin à lui donner ce qu'il voulait: c'est-à-dire soumettre déjà deux pays. Ensuite, il se débarrasserait de cette mafia. Pourtant, il ne pourrait rien faire seul. Il devait trouver d'autres personnes, fortes et qui ont les mêmes idéaux. Car même s'il était fort, il ne serait capable de tout faire tout seul: il fallait qu'il trouve des gens qui pourraient l'aider, des gens dévoués qui le suivraient. C'était une de ses missions. Tout cela, pour le bien de la planète.

Alors qu'il songeait à cet avenir radieux, il était enfin arrivé. Il avança encore un peu à dos de cheval sur le sentier secret de la campagne et ne descendit que lorsqu'il se trouva en face du pont. Il s'assit alors et attendait tranquillement. Le voyage l'avait fatigué, il décida donc de dormir un peu. Il s'allongea donc et ferma les yeux. Il ne mit pas longtemps à s'endormir, et s'en alla donc vite aux pays des rêves. Des rêves où son but était atteint: un Monde sans aucun Homme et sans Guerre, un Monde Idéal...

Il avait dormi toute l'après-midi, tant son voyage fût éprouvant, et il décida alors de manger. Son esprit calme et reposé était prêt pour atteindre son but. Il était determiné, seulement, une douleur vive et atroce se fit sentir au niveau des côtes, comme si on le rongeait de l'intérieur. Il s'aggrippa alors le ventre et toussa. Il respirait vite, et gémissait de douleur. Il cracha un peu de sang. Sa vue se troublait peu à peu. Il fallait qu'il trouve un médecin qui puisse le guérir de sa maladie. Sinon jamais il n'arriverait à atteindre son but. Il ne voulait pas que cela ne se passe que dans ses rêves, mais aussi dans la réalité...

Il ne se réveilla que le matin, très tôt. Il était tout engourdi, mais au moins n'avait plus mal. Il se dirigea vers le cours d'eau et se rinça le visage et les mains. Puis il soupira longuement, fixant son reflet dans l'eau claire. Il se retourna vivement lorsqu'il entendit un bruit suspect non loin de là. Il se leva et regardait autour de lui.

"Montre-toi."

Comme tous les matins, Myu se rendait à l’entrée d’Eden pour aller chercher les éventuels futurs Tiers (victimes ?), sur l’ordre de Tirina. A vrai dire, elle n’aimait pas trop cette partie de son travail : les étrangers en général lui faisaient plutôt peur, et les rares qui avaient l’air gentils elle s’y attachait et avait ensuite peur qu’il meurt. C’était donc avec beaucoup d’appréhension qu’elle se rendait dehors, sans compter qu’elle détestait sortir d’Eden, endroit où elle était née et avait toujours vécu.

Ce matin là, Myu était cependant un peu plus sereine que d’habitude : la dernière personne qu’elle avait trouvée était Hailey, un gentil aveugle qui avait apparemment survécu. Mais la personne qu’elle vit quand elle arriva la refroidit immédiatement : un homme tout fin à la peau très blanche était penché au-dessus de la rivière. La timide femme n’aurait pu dire pourquoi mais cette vision, cet homme, la mettait mal à l’aise… Après tout, cet étranger était peut être arrivé là par hasard ? Elle pouvait peut-être l’ignorer… Bon il était évident qu’il était là pour entrer à Eden. Il fallait qu’elle le fasse entrer, sinon la chef le saurait et HaO la battrait. Myu observa de nouveau l’étranger. En voilà un qu’elle n’essaierait pas de dissuader en tout cas.

Au moment où la timide femme s’approchait doucement, terrorisée, l’homme se leva et se retourna. Comme Myu avait eu le réflexe de se cacher, l’étranger se sentit menacer et lui ordonna de se montrer. La pseudo-domestique sortit lentement de sa cachette, les yeux baissés. Tandis que son regard détaillait le sol, elle prit doucement la parole, d’une voix à peine audible, le visage caché derrière ses cheveux :

- Bonjour monsieur. Je suis ici pour vous amener dans Eden, où vous aurez peut-être l’insigne honneur de devenir une Rose Bleue.

Heureusement que Myu connaissait sa réplique par cœur, sinon elle aurait été incapable d’ouvrir la bouche. La timide femme leva la tête pour regarder son interlocuteur, et la rabaissa aussitôt. Non, décidément il la mettait trop mal à l’aise pour qu’elle tente de le prévenir… Cependant elle ne pouvait pas le laisser risquer sa vie sans rien dire. Et puis tous les hommes, même les plus effrayants, avaient en eux une part de gentillesse. Le trop bon cœur et la naïveté de Myu la perdraient un jour… Malgré sa peur, elle rajouta donc, d’une voix encore plus faible :

- Heu vous savez, ils vont vous tuer s'ils estiment que vous ne faites pas l’affaire.

Ca serait tout. Si l’étranger ne renonçait pas, ça ne serait au moins pas la faute de Myu s’il ne survivait pas. D’ailleurs la timide femme en avait déjà trop dit, et serait sévèrement grondée si ses supérieurs l'apprenaient.

L'étranger, qui se révéla être une étrangère, sortit de sa cachette. Noroi se demanda d'abord ce que cette femme faisait ici. Elle avait l'air si... idiote et maladroite. Timide, ou bien facilement impressionnable aussi, vu qu'il dû se concentrer pour l'entendre, et surtout comprendre ce qu'elle lui dit. Alors c'était elle qui l'emmènerait à Eden? Quelle blague. Il ne savait pas si les Roses Bleues étaient idiots ou bien juste inconscient d'engager une personne comme ça? Peut-être les deux. Si elle se trouvait en face de la mauvaise personne, elle pouvait facilement se faire tuer. Mais bon, c'était peut-être justement pour cela que cette mafia lui donnait ce rôle, car elle ne devait pas être très importante, au contraire, ça devait être un genre de boulet. Finalement, ils n'étaient peut-être pas si idiots que ça: en l'envoyant elle, ils préservaient leurs membres.
Il n'avait pas pitié de cette jeune femme, même si tout était rangé de son côté, même si elle n'était pas méchante, il ne pouvait pas éprouver la moindre compassion pour un humain. C'était... comment dire... au-dessus de ses forces.

Il voulut alors se mettre en marche, se demandant bien pourquoi elle restait encore là devant lui, à fixer le sol. Décidémment, elle était vraiment faible...
Noroi parût surpris lorsqu'il entendit les dernières paroles de la jeune domestique. Ce n'était pas vraiment le contenu qui l'avait étonné, mais plutôt le fait qu'elle en parle. Un large sourire s'installa sur le visage de l'homme, son regard se fit plus fin et vicieux. Il s'approcha de la femme et lui passa la main sur la joue. Tout en la regardant de son air perfide, il lui déclara:

"Vois-tu ma chère, je me doute bien que ce genre de personnes ne prendraient pas de risque à laisser partir une personne si elle échoue. Ce serait dangereux pour eux. Après tout, c'est la mafia, non?"

Il sourit de plus belle, et attrappa violemment les joues de la domestique.

"Me prendrais-tu pour un incapable? Tu crois que je ne suis pas digne de faire partie des Roses Bleues? "

Finalement, il desserra son étreinte et lui carressa les cheveux, toujours avec son air hypocrite et fourbe.

"Pardonne-moi ma chère, je ne pense pas que tu voulais insinuer cela, tu n'en as pas les capacités. Tu voulais faire preuve de...gratitude, c'est cela?"

Noroi se mit alors à rire et la lâcha enfin. Il avait un air sournois sur le visage, et n'avait pas perdu ce sourire qui le rendait encore plus vicieux et machiavélique. Il lui fit alors un signe de tête en direction du pont, pour qu'elle le conduise dans l'Eden.
Elle n'avait pas à s'inquiéter, il était persuadé qu'il y arriverait. De toutes façons, il fallait qu'il y parvienne, sinon, il devrait trouver un autre moyen. Il devrait attendre patiemment. Mais jamais il ne mourrait de la main d'un Homme. Jamais. Surtout pas maintenant. Alors il ferait tout pour y arriver, même s'il devait tuer.

Alors qu’elle essayait de le prévenir, l’homme esquissa un immense sourire, semblant se moquer de Myu qui commença à avoir vraiment peur. Il s’approcha d’elle, et elle tenta de reculer, mais il l’attrapa facilement. La timide femme trembla lorsqu’il passa sa main sur sa joue et qu'il expliqua à Myu qu’il connaissait déjà la règle du jeu, et qu’elle avait donc été stupide de tenter de la lui expliquer. Le sourire de l’étranger paralysait la pseudo-domestique, qui n’osait plus esquisser le moindre mouvement tant elle avait peur. Ainsi, quand l’homme saisit ses joues, elle ne bougea pas, mais une larme tremblotante coula le long de son visage, pour finir sa course au coin de ses lèvres.

Malgré sa terreur, la naïveté de Myu était toujours présente, aussi elle se sentit horrifiée que l'étranger ait pu mal prendre ses propos. Alors qu’elle essayait de trouver le courage d’expliquer à l’inconnu qu’il se trompait, qu’elle ne le prenait pas pour un incapable du tout, que la question n’était pas là, il lui prouva qu’il avait compris ses pures intentions et qu'il s’en moquait. Myu se demanda ce que cela signifiait, ne comprenant pas qu'on puisse être méchant pour le plaisir de l'être. Après lui avoir caressé les cheveux, l’homme la lâcha enfin et se mit à rire, d’un rire presque démoniaque, accentuant encore le malaise de la timide femme qui s’efforçait de ne pas le regarder.

L’étranger n’avait pas besoin d’expliquer qu’il voulait entrer à Eden, ni même de montrer la résidence : Myu s’était tournée vers le pont dès qu’il l’avait laissée tranquille. Elle marchait vite, regardant par terre et ne se retournant pas pour vérifier si l’inconnu la suivait. De petites taches apparaissaient sur le sol clair, de plus en plus nombreuses à mesure qu’elle avançait, à cause de l’eau qui coulait de ses yeux. Elle ne voulait plus jamais le revoir celui-là ! La timide femme se surprit alors à penser que peut-être sa chef le tuerait. Mais aux yeux de la timide femme, personne ne méritait de mourir. Aussi Myu s’efforcerait de prier pour sa survie à lui aussi, comme elle faisait avec tous les futurs Tiers, et s’arrangerait pour ne plus jamais le croiser. En attendant, elle pressa encore le pas pour se rendre le plus vite possible dans le bureau de HaO et se débarrasser de l’ombre qui planait derrière son dos et qui la terrorisait.

[ --> bureau de HaO ]

"Nous y v'là."

L'Homme qui rit était arrivé devant un pont. Un petit pont enjambant un cours d'eau. Il avança, et...

"OUAIEUH !"

... se cogna.

"Mais qu'est-ce que c'est que ce..."

Quelque chose qu'il n'avait pas prévu : une barrière qu'il ne pouvait
voir se dressait devant lui. Il était bien embêté : s'il ne pouvait pas
passer, comment pourrait-il rejoindre l'organisation ? Et même si
quelqu'un venait le chercher, comment...

"Comment j'vais me débrouiller pour faire rentrer Shyo moi... ça commence bien."

Il s'assit et réfléchit, toujours souriant. Comment il allait passer, il l'ignorait. Qui pourrait l'aider, il le savait encore moins. En gros la conversation surprise quelques semaines plus tôt n'avait servi à rien à part lui indiquer où se terraient les Roses Bleues. Très utile de le savoir me direz-vous, alors qu'on ne peut pas les rejoindre.

"Bah ! dit-il en se relevant. Si j'appelle quelqu'un peut-être qu'on viendra m'aider..."

Mais après un bref instant où il put réfléchir un peu, il trouva l'idée stupide. Des gens aussi bien cachés n'apprécieraient certainement pas que quelqu'un braille comme un veau juste devant leur parvis.
Il finit par s'asseoir et à attendre. Que faire d'autre de toute manière...

"Je crois que j'en aurai pour plus longtemps que promis, Shyo..."

Il arrivait souvent à Tama de sortir d’Eden en plein milieu de journée, sans explication. Personne ne savait où il allait, et à vrai dire, tout le monde s’en moquait. Les (nombreuses) personnes qui avaient peur de lui étaient bien contentes, et de toute façon il ne manquait à personne. Et tant que ses allers-retours ne nuisaient pas à ses missions, la chef ne voyait pas la nécessité de sévir.

Cet après-midi là, le vieux fou se dirigeait donc vers la campagne Takamiya, quand il aperçut un homme à la sortie d’Eden. Il sut immédiatement qu’il ne s’agissait pas d’un mafieux : l’étranger stationnait sur le pont, de l’autre côté de la barrière magique. Il y avait cependant peu de chance que l'inconnu soit arrivé là par hasard... Tama remarqua alors le sourire figé de l’homme, et se sentit obligé de commenter, ne parlant à personne en particulier :

- Tiens, voilà un homme qui a l’air bien jovial ; allons lui parler !

Le vieux fou se retourna brusquement vers ce qu’il supposait être un futur Tiers (ou, de façon plus plausible et objective, une future victime), et s’adressa à lui :

- Bonjour, je m’appelle Tama. Vous savez, vous ne devriez pas sourire comme ça devant la porte qui vous mènera à la mort.

Semblant reprendre son souffle avant de continuer, Tama changea complètement de sujet, chose qui lui arrivait souvent :

- C’est ma fille qui vient chercher les gens ici. Mais elle ne passe que le matin, alors vous allez être forcé de passer la nuit ici. Mais bon c’est un bel endroit cela dit. Ma fille s’appelle Myu, elle est un peu stupide, alors il faut être gentil avec elle.

Se tournant une nouvelle fois pour regarder l’avant-poste, le vieux fou soupira :

- Les Roses Bleues ne sortent vraiment pas assez souvent ; elles ignorent la beauté de l’extérieur… Et puis elles ont vraiment trop de préjugés. Mais c’est vrai que ma fille a eu de la chance d’épouser Hiroshi. Même s’ils ne s’entendent pas trop, il fait tout de même partie de la famille Ashigawa…

Tama fit de nouveau volte face, et détailla son interlocuteur des yeux, comme s’il venait de se rappeler son existence :

- Au fait, qui êtes-vous ?

Quelqu'un était venu interrompre son attente alors qu'il commençait à s'endormir. Quelqu'un qu'il trouvait glauque. Un vieux. Un vieux qui avait l'air glauque. Et qui confirmait que les Roses Bleues se terraient bien ici.

°Excellent. Au moins j'serai fixé.°

Et qui lui disait de ne pas sourire.
Masatada se mit tout d'un coup à bouillonner de rage et à grincer des dents. Ce vieillard voulait donc se faire -censurons- molester ?

°Du calme. Du calme. Du calme...°

Il changea soudainement de sujet alors qu'auparavant il avait éveillé la curiosité de Masatada en parlant de mort. Un ramassage avait donc lieu le matin... parfait. Ou pas, vu que l'homme semblait vouloir le faire attendre toute la journée et toute la nuit. Pas pensable, vraiment pas, Masatada ne possédait pas autant de patience.

"Au fait, qui êtes-vous ?"

La question que, par pure politesse, l'on se devait de poser en premier lieu, arriva enfin. Brusquement, en un changement de sujet.

°Quelqu'un qui a envie de t'entarter méchamment...°

"Je suis quelqu'un qui postule. Et qui acceptera toute conséquence en cas de refus. Masatada de mon prénom... et rien du tout de mon nom."

Il fixa son visiteur de derrière ses lunettes oranges et attendit en titillant la garde de son katana.

Shyo se terrait derrière un buisson à quelques mètres de son protecteur. Elle avait osé braver l'interdit. Pourquoi donc... elle qui jamais ne lui avait désobéi, pourquoi donc le faisait-elle maintenant ?
Par peur. Peur qu'il ne la retrouve pas, peur qu'il fasse une bêtise, peur qu'il ne lui arrive quelque chose... peur de ne jamais le revoir. Ni lui, ni son sourire.
Il y avait quelque chose qui empêchait Masatada d'avancer. Lorsqu'il avait crié, elle avait retenu son désir d'aller le voir pour soigner sa futile bosse. Que dirait-il s'il la voyait ?
Et puis, alors qu'il s'était assis, un homme vint. Un homme âgé, pour rester polie.

Tout ce qu'elle entendit d'abord fut "Porte de la mort". Elle se mit aussitôt à trembler.

°Masa... ne commets pas d'imprudences...°

Tama avait, comme d’habitude, la tête ailleurs (allez savoir où…). Il enregistra cependant machinalement la réponse de l’étranger, et, comme il parlait beaucoup, répondit tout aussi mécaniquement :

- Ainsi vous vous appelez Masatada Rien du tout… Enchanté.

Quelques secondes passèrent, quand soudain le vieil homme se mit à rire bruyamment, rompant le silence. Son hilarité cessa aussi brusquement qu’elle était venue, et Tama ouvrit grand les yeux, comme s’il venait de s’apercevoir de la stupidité qu’il avait proférée :

- Oh vous voulez dire que vous n’avez pas de nom de famille c’est ça ?

Semblant oublier de nouveau l’étranger, Tama se tourna vers le ciel (peut-être essayait-il de communiquer avec sa femme disparue ?) :

- Suis-je bête ! Il me dit qu’il n’a rien du tout comme nom, et je crois que c’est son nom. N’est-ce pas franchement hilarant ? Ah non tu ne trouves pas ? Bon c’est vrai que je l’ai peut-être vexé... Mais il n’avait qu’à être plus clair ! Comment ça je ne l’écoutais pas ? Mais si, enfin, je porte toujours une grande attention aux gens à qui je parle !

Le cou du vieil homme pivota, et son regard croisa celui de Masatada :

- … N’est ce pas, monsieur... comment déjà ?

Semblant ne pas attendre de réponse, Tama reprit, comme si l’idée venait juste de lui effleurer l’esprit :

- Au fait, vous voudriez peut-être que je vous fasse entrer non ? Quoique techniquement je n’ai pas le droit…

Le vieil homme repartit dans ses pensées, ouvrit la bouche pour dire quelque chose, et la referma sans avoir prononcé un mot. Ses yeux étaient maintenant fixés sur le nouveau venu, le détaillant des pieds à la tête. Tama savait bien comment fonctionnaient les Roses Bleues : ce Masatada - car oui, il se rappelait son prénom en réalité - pourrait-il être utile ?

°Un vieux taré. Complètement taré.°

Voilà ce que se disait Masatada quant à l'homme qui était venu "l'accueillir". Il s'était mis à lui dire que son nom était "Rien du tout" -ce qui avait passablement irrité le principal concerné qui s'était une nouvelle fois mis à grincer des dents et à titiller plus nerveusement son katana- avant de se rendre compte de sa bêtise... et d'en rire.
Mais le pire n'était pas là.
Le vieillard s'était mis à parler... au ciel. Il conversa un moment avec lui, lui posant des questions, se donnant les réponses... et il avait fallu que CE TRUC tombe sur notre homme souriant !
Enfin il se tourna vers Masatada. Une phrase qu'il ne retint pas, et une autre qu'il entendit clairement. Comme quoi l'ouïe peut être très sélective...

"Au fait, vous voudriez que je vous fasse entrer, non ? Quoique techniquement je n'ai pas le droit..."

A quoi bon proposer alors... ?

"J'allais vous le demander si vous aviez arrêté de parler au ciel."

C'était parti tout seul.

"Faites ce que vous voulez."

Ça aussi.

Tama parut un moment interloqué par les paroles de son interlocuteur. Comment ça, parler au ciel ? Perplexe, le vieil homme se demanda un moment si l’étrange nouveau venu n'était pas fou. Sans compter que son éternel sourire faisait froid dans le dos. Cependant, Tama avait connu bien pire, depuis le temps qu'il faisait partie des Roses Bleues. Il savait d’ailleurs que si Masatada considérait cette bouche tordue comme un handicap, elle deviendrait certainement un gros avantage dans la mafia : en effet, comment mieux masquer ses émotions que derrière un sourire à toute épreuve ? Cette caractéristique rendait donc l’étranger pour le moins intéressant. Peu importait donc qu’il soit un peu dérangé mentalement – ce ne serait de toute façon pas le premier. Et puis, les délires de Masatada étaient peut-être dus à la faim, la soif ou la fatigue… Considérant toutes ses possibilités, le vieil homme répondit finalement :

- Vous avez faim peut-être ?

Les propos du nouveau venu étaient quand même sérieusement décousus, et il semblait incapable de prendre une décision… Tama se dit alors qu’il ferait mieux de l’amener à HaO. Après tout, Myu faisait rentrer des gens tous les matins. Ce pauvre Masatada en train de devenir fou n’allait quand même pas devoir attendre aussi longtemps pour pouvoir rentrer ! Sans compter qu’il s’était dit prêt à assumer les conséquences de ses actes… S’il était d’accord pour mourir, plus vite il serait entré plus vite les Roses Bleues récupéreraient son cadavre ! Le vieil homme sourit et prit un air gentil – mais peu rassurant cependant :

- Bon bon, ne me regardez pas comme ça, je vais vous faire entrer.

Tama regarda ensuite la barrière invisible située au milieu du pont – en gros il avait les yeux fixés sur un point du vide – et se remit à parler :

- Alors, comment ça fonctionne ça déjà ? Ra c’est pas mon boulot ça… Ma fiiiiille, aide moi !

Le vieil homme finit visiblement par venir à bout de la barrière magique, et invita Masatada d’un geste à passer de l’autre côté du pont :

- Après vous. … Au fait, que voulez-vous que je fasse de votre corps si j’arrive à le récupérer ?

°Bon. Est-ce mal ou non de cogner un vieux dérangé...°

Masatada en arriva à la conclusion difficile que oui, ça l'était. Shyo ne serait absolument pas contente. L'homme lui proposait à manger... mais qu'est-ce qu'il pouvait bien avoir en tête ! Un coup de katana entre les deux yeux l'aiderait peut-être... non. Il ne DEVAIT pas lui faire quoi que ce soit. Il en allait de son avenir et de celle de sa petite protégée.

°Et comment je vais la faire venir, elle...°

L'essentiel était cependant là : la barrière semblait ouverte. Il l'avait invité à entrer.
Le plus difficile semblait rester à faire. Il parlait de mort, de cadavre à récupérer... de lui quoi.

"Mon cadavre, vous en faites ce que vous voulez."

Pourquoi ne pas l'envoyer à Shyo... parce qu'elle était cachée, que l'endroit devait demeurer secret... ou peut-être parce que, il le savait, il n'échouerait pas ? D'où lui venait donc une telle confiance...
Son sourire s'élargit alors encore plus, formant un énorme rictus dévoilant ses dents, et par la même occasion ses canines aiguisées ; signe qu'il souriait vraiment et franchement. Puis il se leva sans cesser de titiller son arme.

"J'vous suis."

Shyo avait manqué de s'évanouir dans son buisson lorsque le vieil homme ajouta sa dernière phrase. Masatada pouvait passer... mais il allait mourir. Pour elle.

°Non, impensable que Masa échoue...°

C'était ce qu'elle se disait pour se redonner du courage et ne pas fondre en larmes. Surtout que si elle fondait en larmes elle risquait de se faire remarquer...
Pourquoi avoir voulu tenter une expérience aussi dangereuse rien que pour ses beaux yeux de muette ? C'était vrai, il l'adorait plus que lui ne s'aimait. Mais jamais elle ne lui avait demandé de sacrifier sa vie pour elle... la frêle adolescente s'en voudrait toute sa vie si jamais elle découvrait son amour mort, le sourire figé sur les lèvres jusqu'à ce que les vers l'emportent.
Son cœur se mit à battre à tout rompre lorsque son homme souriant s'était levé. La partie véritable allait pouvoir débuter...

°Si tu meurs, je te tue...°

L’étranger n’avait apparemment aucune famille à qui envoyer son corps. Cela n’étonna pas Tama : la plupart des gens qui souhaitaient s’engager dans les Roses Bleues étaient seuls au monde. Après tout, comment expliquer sinon qu’ils risquent ainsi leur vie ? Suite aux paroles de Masatada, le vieux mafieux passa devant.

Les deux hommes traversèrent le pont, puis montèrent lentement les marches de l’escalier qui menait à l’avant poste. Tama déclina son identité dans le Pavillon en bois, et le mécanisme ne tiqua pas quand il annonça qu’il introduisait un étranger. En effet, en tant que membre du Conseil, le vieux mafieux était autorisé à prendre quelques libertés. Cependant, il savait qu’HaO et la chef seraient presque immédiatement alertés de l’intrusion. Mais Tama n’avait rien à craindre : il avait laissé entrer ce Masatada uniquement parce qu’il estimait que son sourire pouvait rendre service à la mafia. Et puis, de toute façon, même si le nouveau venu était un espion, que pourrait-il bien faire entouré de Roses Bleues ?

Parfaitement rassuré, le vieil homme entra donc dans Eden, Masatada à sa suite. Un seul détail dérangeait Tama : il ne pourrait pas faire sa balade habituelle aujourd’hui… Voilà qui était fort contrariant. Enfin, s’il pouvait être utile aux Roses Bleues… Le vieil homme se remit à rire bruyamment, tout en se dirigeant vers Géhenne, pour amener le nouveau venu à HaO. Il hésita à rouvrir la bouche, histoire d'occuper son interlocuteur le temps du trajet, mais décida finalement qu'il en avait déjà assez fait.

[ --> Géhenne : Bureau de HaO ]

[ => du Bureau de HaO]

Entrée d'Eden 090823043243998420

Il s'était curieusement demandé la date du jour. Pourquoi ça ? Sans doute pour se sortir l'image du sang de la tête. La mission n'en nécessitait pas ; inutile d'y penser. Et pourtant, il ne pouvait s'en empêcher : séparé de Shyo, son instinct le taraudait.
Et ladite Shyo, en ce moment même, était tout près... sans que Masatada ne s'en doutât.

Tama et lui venaient d'arriver à l'entrée d'Eden. Et maintenant ?
Maintenant notre homme souriant ne savait pas où aller. D'accord, il n'avait qu'à suivre Tama, mais Masatada, têtu, avait horreur de suivre sans savoir où aller.
Aussi, il lui posa la main sur l'épaule pour le faire arrêter de marcher, et lui demanda simplement :

"Hé, où on va, maintenant ? Par où ? J'aim'rais savoir, voyez-vous..."

Tama parlait-il à ce moment là, Masatada l'avait-il coupé, peu lui importait. Il ne l'écoutait pas.
Au risque de perdre des informations précieuses éventuellement dites à travers les paroles abrutissantes.

Sans écouter véritablement la réponse, il s'alarma soudainement : et Shyo ?

Elle était cachée dans un buisson, tout près d'eux. Masatada, et apparemment Tama non plus, ne l'avaient vue. Il fallait que ça dure.
Elle déployait une quantité d'efforts considérable pour ne pas faire un son, pas même celui de sa respiration courte.

°Qu'est-ce qu'il fait... il a été exclu, c'est ça, et ils le renvoient... ils comptent le tuer dehors, j'en suis sûre ! Oui, c'est ça, un guet-append...°

Si nous rendions toute la pensée de Shyo en ce moment même, nous tirerions un patchwork d'idées toutes plus pessimistes les unes que les autres. Pas un seul instant elle ne pensait qu'il pouvait partir en mission, revenir ensuite, venir la chercher, des choses un peu plus optimistes en somme.

Elle tira la conclusion qu'il fallait qu'elle agisse, qu'elle "latte ce vieux gredin" en vitesse. Bref : qu'elle sauve Masatada.
Résolue à lui "faire la peau", elle recula le plus discrètement possible, sans faire un bruit...

*cric*

A part celui d'une brindille brisée.
La pauvrette se figea, toujours cachée. Mais pour combien de temps...

°Quelle co...°